Sonia Lazareff

Sortilège en Afrique

Destin d'une femme peu ordinaire, voyage au bout de la magie, ce livre n'est pas pour les sceptiques.

Pour tout rationaliste, mettre La Sorcière blanche en librairie alors que la fièvre de Halloween envahit la France relève du pur hasard ou d'un judicieux concourd de circinstances mercantiles. Pas si sûr ! Ou bien alors, la vie de son auteur ne serait qu'une suite de coïncidences, une cascade d'accidents fortuits.

Faites excuse, ça ne tient pas. L'ouvrage de Sonia Lazareff est d'abord le récit d'un destin pour le moins étrange. Trajectoire insolite qui conduit une jeune journaliste anticonformiste de la rue Réaumur à Abidjan. Un parcours initiatique semé d'embûches sur lesquelles surfe l'héroïne, en apparence. La petite Parisienne qui débarque en Côte d'Ivoire avec ses colombes fait illusion. Au sens propre. Elle est là pour un temps, mais l'amour en décide autrement. Il vaudrait mieux écrire les amours, car, et c'est là tout l'intérêt du livre, Sonia aime un prince charmant, des gens, des odeurs, des saveurs, des animaux, un climat, un continent... C'est plus fort qu'elle, Sonia aime. Contre vents et marées, contre vice et méchanceté.

De l'amour à l'envoûtement, la frontière est tenue. Et là-bas, en Afrique, il y a des lois non écrites, donc obscures. Pour l'auteur, "encore plus blanche à l'intérieur que de la peau", ce n'est pas facile à comprendre, moins encore à admettre. Alors, celle à qui les dons de voyance ont été révélés - et qui s'en sert pour faire le bien, uniquement le bien - ne va rien voir des manigances de ceux qu'elle dégange forcément : les marabouts les féticheurs, tout ce qui fait commerce africain du sort des autres.

Le combat est inégal. Humiliations, traîtrises, blessures, morts. Rien ne lui sera épargné. Mais la soricière blanche qui, au pays de la magie noire, est devenue une star médiumnique, s'obstine.

Sonia aime. Et quand on aime, on ne compte pas. Précisément lorsque le drame arrive, elle est démunie. Descente aux enfers. Retour à la case départ, au bord de la Seine, finalement plus riche que jamais d'un savoir magique acquis au prix fort.(1)

Cette histoire vécue, écrite avec simplicité, est aussi un magnifique voyage dans une Afrique peu connue des Européens, fascinante pour les uns, déroutante pour d'autres, mais qui ne laisse jamais indifférent. Un continent où rationnek et irrationel font ménage commun et nourrissent un terreau sur lequel fleurissent les beaux destins.

Jean-Marie PINÇON

(1) Sonia Lazareff consulte aujourd'hui 2, rue Crétet, 75009 Paris. Tél.: 01.45.26.12.37
La Sorcière blanche,par Sonia Lazareff. 300 pages, éditions du Dauphin, 120F.


Mon Afrique

Place Clichy, 21 heures. Un tabac. C'est dimanche. Pire que ça : il pleut. Pire que ce pire : un dimanche de fêtes. Sur le boulevard, une agence de voyages miraculeusement ouverte.

"Bonsoir, monsieur. Un aller-retour pour le Sénégal, ou la Côte d'Ivoire, ou le Cameroun, ou le Togo, en fonction de vos possibilités pour tout de suite. Vous me fixez ainsi parce que vous ignorez cela : lorsque l'on connaît l'Afrique, que l'on y a vécu, il se passe un phénomène de "manque" exactement comme un drogué qui meurt sans sa dose. Ce soir c'est "Allo papa maman Afrique : bobo".

Je n'y retourne pas pour la pêche au gros, les safaris-photos, les visites des monuments, des plantations des ananas, de riz, de café, des régions aurifères, des fêtes de villages..., toutes pourtant souvent dignes d'intérêt. Je vais me ressourcer dans les odeurs, les cris des marchés, le cissement très spécial du sable d'Afrique qui brûle la plante de mes pieds devenus léger. Je veux courir pour échapper aux formidables vagues de la Côte d'Ivoire aux fond desquelles règne Mamie Walta, la reine sabbatique de l'eau. Je veux avancer loin dans la douce mer du Sénégal avant de perdre pied. Je veux regarder l'odeur du soleil au Cameroun. Je veux m'éclabousser de mangues, d'ananas, de papayes. Je veux lontemps parler aux gardiens de l'île de Gorée. Je veux manger de l'altieké, du tô, du foutou, du poulet yassa, du tiébou dienn avec les mains assise à terre, autour d'un grand plat commun dans la cours d'une famille que je ne connais pas, mais qui m'attend parce que je suis étrangère et que je leur souris.

Je veux m'assoir à côté des artisants en bois, fer, cuivre, cuir, bijoux, pour contempler leurs oeuvres viscérales, leurs créations d'Imaginaire dans lesquelles je "voyage" jusqu'à épuisement.

Je veux me réveiller heureuse dans un continent d'étoiles, de lune, de soleil, que l'on peut invoquer, capter, avec lesquels on dialogue sans fin. Je veux m'endormir apaisée par l'échange existentiel entre cette terre d'Afrique et mon étérnité."

Sonia Lazareff


Spécial Figaro Tourisme, loisirs. 12/1997